ANDRÉ EVE, LE JARDINIER QUI A CROQUÉ LA ROSE
Le 18 août 1931 naissait à Jouy-le-Moutier près de Pontoise dans le Val d’Oise André Eve, rosiériste et jardinier français, décédé le 1er août 2015 à Pithiviers, Loiret. Fils d’agriculteurs, André Eve s’intéressa aux plantes et aux fleurs dès son enfance. Après la Guerre, il entreprit des études par correspondance à l’École nationale supérieure d’Horticulture de Versailles, puis il occupa divers postes chez Vilmorin.
C’est dans la boutique du Quai de la Mégisserie à Paris qu’André Eve rencontra Marcel Robichon, créateur de roses, dont la plus célèbre obtention est ‘Intervilles’, un grimpant rouge datant de 1966. Ce dernier cherchant un repreneur, le 1er mai 1958, André Eve s’installa à Pithiviers (Loiret), assurant la succession de l’activité d’entreprise de paysage et de créateur-producteur de rosiers des établissements Marcel Robichon. André Eve put alors développer sa passion pour les roses et en particulier les variétés anciennes, qui à l’époque étaient quasiment tombées dans l’oubli.
André Eve a donné une nouvelle jeunesse aux roses anciennes
En 1978, devenu propriétaire de sa maison, André Eve entreprit de concevoir un jardin d’une rare opulence, associant des roses, des clématites, des iris et des plantes vivaces. À cette époque et jusqu’à la fin de sa vie, André Eve voyagea beaucoup, en France et à l’étranger. Il profitait de ses rencontres avec d’autres passionnés pour enrichir sa collection avec des variétés rares, dénichées chez des collectionneurs ou dans des roseraies.
En 1983, un article sur ses activités, paru dans la revue Mon jardin, ma maison, provoqua un nouvel engouement pour les roses anciennes. Pendant plus de 20 ans, André Eve allait en devenir le plus efficace des ambassadeurs. Il greffa lui-même ses premières roses anciennes et commença la vente par correspondance. En 1985, il publia le premier catalogue des « Roses anciennes André Eve ». Il s’agissait d’un descriptif assez détaillé de 275 variétés, dont 60 rosiers botaniques. Aujourd’hui, le catalogue des « Roses anciennes André Eve » comporte 100 pages richement illustrées en couleurs et propose plus de 600 variétés !
Le superbe jardin de roses de Morailles
Pour faire face à un succès croissant, l’entreprise les « Roses anciennes André Eve » s’installa en 1990 au sud de Pithiviers sur le lieu-dit Morailles. André en profita pour planter autour de l’exploitation un nouveau jardin qui constitue aujourd’hui un véritable catalogue vivant.
En 2000, André Eve prit sa retraite, tout en restant très actif dans le monde des roses. Il a notamment dessiné l’agrandissement du jardin de Morailles (en 2005), et joué le rôle d’ambassadeur de l’entreprise, recevant jusqu’à ses derniers jours amis et visiteurs, dans son jardin de la route d’Orléans, toujours impeccablement entretenu.
André Eve, grand ambassadeur de la rose
La passion des roses étant communicative, André Eve l’a aisément transmise aux habitants de Chédigny (Indre-et-Loire) qui, à partir de 1986, sous l’impulsion du maire Pierre Louault, ont transformé leur village en véritable jardin. C’est d’ailleurs la seule commune à avoir obtenu pour son ensemble le label « jardin remarquable », en 2013. La plupart des 800 rosiers (250 variétés) qui ornent les façades du village ont été choisis sous les conseils d’André Eve.
Une rose moderne pour le chantre des roses anciennes
En 2001, André Eve a connu sa consécration professionnelle avec le baptême, dans la roseraie de la Cour de Commer en Mayenne, d’une rose à son nom : ‘André Eve’ adesmano, créée par Michel Adam. Il s’agit d’un hybride de thé aux fleurs turbinées parées de nuances très délicates d’abricot et de rose.
En 2012, André Eve a fêté ses 50 ans de carrière d’obtenteur de rosiers et ses 60 ans de jardinier. Il obtint le Mérite agricole le 1er décembre 2013, décerné par Claude Leforestier, président d’honneur de la Société d’horticulture d’Orléans et du Loiret.Il reçut la médaille des Arts et lettres le 13 décembre de la même année.
Sylvie Vartan le premier succès d’André Eve
En 1968, André Eve créa sa première variété : ‘Sylvie Vartan’® evesylva, qui est toujours commercialisée aujourd’hui. Il s’agit d’un polyantha issu du croisement en 1962 d’un semis anonyme par ‘Centenaire de Lourdes’ delfloro (Delbard-Chabert, 1958)’, puis par ‘Polka’, variété qui a disparu.
Ce joli rosier à la végétation régulière forme un buisson de petite taille (de 60 à 70 cm), au feuillage vert émeraude. Il est très apprécié pour sa floraison abondante et presque continue, composée de bouquets rose carmin intense, légèrement parfumés. Les très nombreuses fleurs en forme de coupe bien pleine, présentent une nuance brillante et intense vraiment exceptionnelle. La floraison de longue durée, le coloris très lumineux, le bon comportement dans les massifs et le feuillage sain en font une toujours une valeur sûre, idéale en bordures ou pour former une petite haie.
Les roses nouvelles créées par André Eve
Au cours de sa carrière, André Eve a créé une bonne trentaine de variétés de roses de toutes sortes. Outre ‘Sylvie Vartan’ présentée ci-dessus, les plus célèbres et toujours commercialisées, sont :
‘Red parfum’ everepar (1972) est un rosier grimpant de 3 à 4 m de haut, au port rigide et au feuillage vert sombre. Il peut aussi être laissé libre pour former un gros arbuste très touffu. Les fleurs, de taille moyenne, réunies en bouquets, se parent d’un coloris exquis, rouge-grenat velouté. Offrant une excellente remontée si l’on prend soin de couper les corolles fanées, elles dégagent un parfum puissant et tenace.
‘Prestige de Bellegarde’ eveprest (1972). Cet hybride moderne forme un buisson compact et touffu (80 cm) d’une excellente résistance aux maladies. Très remontant, il porte de généreux bouquets de corolles semi-doubles de 8 cm de diamètre, d’un rouge vif très homogène. C’est un rosier sans problème, dont les fleurs tiennent très bien en vase.
‘Arromanches’ evearro (1975). Ce rosier buisson à fleurs groupées porte jusque très tard en saison de généreux bouquets de fleurs de 7 cm de diamètre d’un rose bien soutenu qui malheureusement n’offrent pas de parfum. La plante, bien équilibrée, au feuillage très résistant aux maladies, atteint 1 m de haut.
‘Coraline’ eveopa (1976). Fleurissant sans cesse, ce petit grimpant de 2 à 3 m de haut, croule sous les fleurs jusqu’à l’automne. Ses fleurs demi-doubles, d’un délicat abricot saumoné, mesurent jusqu’à 9 cm de diamètre.
‘Albert Poyet’ evepoy (1979). Cet hybride de thé est un vrai grimpant moderne et vigoureux, qui s’élance jusqu’à 3 à 4 m de haut, paré d’un feuillage très sain, vert moyen, sur de longs rameaux semi-rigides. Les bouquets de fleurs doubles rouge clair à centre rose se renouvellent en permanence toute la belle saison. La fleur double, bien turbinée, de 8 cm de diamètre, donne à la plante un aspect très chic, mais elle n’est pas parfumée.
‘Prestige de Seine-et-Marne’ evesaine (1992). Destiné avant tout à une plantation en massif, ce buisson érigé, qui atteint 1 m de haut, bénéficie d’une bonne résistance aux maladies. Il porte de généreux bouquets de fleurs de 7 cm de diamètre, d’un jaune chamois délicat qui blanchit à l’épanouissement. Une association superbe avec des vivaces bleues (Anchusa, Delphinium).
‘Jardins de Valloires’ evejava (1993). C’est un rosier buisson vigoureux (1 m) qui porte un épais feuillage d’un beau vert franc. De juin à la fin de l’automne, les fleurs de 6 à 8 cm de diamètre, bien doubles, d’un rose pur délicat qui pâlit un peu en fanant, se renouvellent sans cesse. Très accommodant, il peut être maintenu trapu par une taille courte chaque année en fin d’hiver. Vous pouvez aussi le modeler en boule. Même cultivé dans des conditions climatiques difficiles, ‘Jardin de Valloires’ montre une excellente résistance aux maladies. L’association avec des campanules est particulièrement réussie.
‘Suzon’ evezon (1994). Ce rosier liane non remontant, porte de larges bouquets de fleurs presque simples, ayant la grâce des églantines. Elles s’épanouissent dans un élégant chamois orangé, puis passent au rose fraise avant de faner rose pâle piqueté de framboise. L’apparente fragilité de la floraison contraste avec l’extrême vigueur du rosier qui développe des tiges sarmenteuses de 5 à 10 m de long. Une grande création, très spectaculaire.
‘Graves de Vayres’ evebordo (1999). C’est un rosier arbustif qui atteint aisément 1,50 m de haut, formant un buisson généreux que l’on peut planter en avant des rangs de vigne. Très remontant, il fleurit encore au moment des vendanges. Les corolles de 8 cm de diamètres, d’un rouge profond velouté, sont toutes simples mais très nombreuses. Il est possible de laisser pousser ce rosier en petit grimpant qui atteindra 3 m en quelques années.
‘Auberge de l’Ill’ evelill (2002). Formant un petit buisson de 40 à 60 cm de haut, cet hybride moderne compact et très ramifié, fleurit en abondance jusqu’aux premières gelées. Il porte des bouquets de petits pompons rose pâle de 3 cm de diamètre, qui exhalent un doux parfum fleuri. C’est une variété idéale pour la culture en bac, de préférence à mi-ombre pour qu’elle ne pâlisse pas trop.
‘Carla Fineschi’ evepro (2002) Ce rosier grimpant vigoureux, mais de taille moyenne, honore la mémoire de l’épouse du professeur Gianfranco Fineschi, l’un d’un plus importants collectionneurs européens, qui a réuni plus de 6 000 rosiers dans son jardin de Cavriglia en Italie. S’adaptant à toutes les situations, le rosier ‘Carla Fineschi’ peut être aussi cultivé en grand arbuste. Très remontant, il porte une abondance de fleurs semi-doubles de 7 cm de diamètre, d’un rouge carmin avec le centre plus clair.
‘Château du Rivau’ everive (2003). Cet hybride de Rosa multiflora est un rosier liane aux tiges souples de 5 à 8 m de long, dédié à la propriété de Patricia et Éric Laigneau qui héberge une collection unique de roses parfumées. S’il porte des fleurs blanches comme la plupart des rosies lianes, ‘Château du Rivau’ est parfumé, ce qui est assez rare dans cette catégorie. Le fleurs simples agrémentées d’étamines jaune d’or, sont suivies en automne par des cynorhodons d’un réel intérêt décoratif.
Et je terminerai cet hommage à ce grand Monsieur des jardins et à cet ami si chaleureux qu’était André Eve, avec cette phrase taquine qu’il aurait assurément appréciée : Si Ève a croqué la pomme pour le malheur des hommes, André a croqué les roses pour le bonheur des dames…