19/04/2024

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L’ÉTONNANTE DOUBLE GÉNÉRATION DES FOUGÈRES

Fronde Dicksonia MAP NPA 050831494
Fronde Dicksonia MAP NPA 050831494

Dicksonia antarctica. ©www.map-photos.com – Nathalie Pasquel

Les fougères (Ptéridophytes) ne produisant pas de fleurs, elles sont tout naturellement dépourvues de graines. Alors comment se propagent-elles ? Elles sont dotées d’une multiplication sexuée tout à fait particulière qui permet de dire que la vie d’une fougère se déroule en deux générations successives pour la même plante…

Les mystères de la « poussière de fougère »

La première personne à avoir étudié scientifiquement les fougères fut l’anatomiste italien Marcello Malpighi (1628-1694). À la fin du dix-septième siècle, il braqua son microscope sur les amas pulvérulents en forme de taches ou de lignes qui se concentrent sur la face inférieure de certaines frondes. Il observa alors des sortes de petits sacs (ce que l’on nomme aujourd’hui les sporanges), renfermant une sorte de poussière. Malpighi nota aussi que « la poussière de fougère » était expulsée du sac par une sorte d’effet de catapulte. Mais à l’époque, il manquait encore des bases de connaissances botaniques et on en resta là…

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De la « poussière de fougère » sur une fronde de Platycerium bifurcatum. ©www.map-photos.com -GWI

Les observations de Malpighi intriguèrent le grand botaniste suédois Carl von Linné (1707-1778). Mais la nature de la « poussière de fougère » le laissa perplexe. Dans une lettre adressée en 1737 au botaniste suisse Albrecht von Haller (1708-1777), il écrit : « cette poudre vue sous un microscope, concorde exactement avec la poussière des anthères que l’on observe dans d’autres plantes ». Il avouait toutefois dans un autre courrier : « je ne connais rien aux mousses et aux fougères et j’avoue mon ignorance si ce que je vois est la graine, ou la poussière des anthères. » Mais en 1751, il changea d’avis, affirmant que « la poussière était la vraie graine de fougère ». Linné était donc persuadé que les fougères possèdent des graines.

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Chez la scolopendre (Asplenium scolopendrium), les sores sont disposées de manière linéaire. ©www.map-photos.com – Clive Nichols

 

Pratiquement un siècle après les observations de Malpighi, en 1794, John Lindsay, un chirurgien britannique établi à la Jamaïque, remarqua qu’après la pluie des quantités de fougères émergeaient des terres retournées. Il eut l’idée de semer dans un pot un peu de la « poussière » que les plantes portaient sur certaines de leurs frondes. Il eut alors la surprise d’observer le développement de jeunes plantes un peu bizarres, qui donnèrent naissance à des fougères. Convaincu d’avoir découvert « les graines de fougères », John Lindsay en envoya un peu en Angleterre, accompagnées d’instructions de semis. La première propagation de fougères par l’homme eut alors lieu au Jardin Botanique Royal de Kew. Toutefois, les particularités du cycle de reproduction des fougères ne furent comprises que dans la seconde partie du dix-neuvième siècle. On découvrit alors que ces plantes pratiquaient l’alternance des générations…

Asplenium nidus jeune

Une jeune fougère (Asplenium nidus) a germé sur un tronc d’arbre en Malaisie. ©Tu7uh

Une plante asexuée porteuse de vie

La fougère, telle que nous l’observons dans les forêts ou bien la cultivons dans nos jardins ou dans nos intérieurs, est un sporophyte, c’est-à-dire une plante née d’une spore. Lorsqu’il atteint sa maturité, le sporophyte porte au revers de ses frondes fertiles les fameux amas orange ou marron, qui ont tant intrigué les naturalistes des siècles passés. Il s’agit des sores (nom masculin), que l’on peut comparer à la fructification des angiospermes (ou Magnoliophyta dans la classification actuelle).

Les sores, protégés par une fine membrane appelée indusie, sont constitués de sortes de petits sacs agglutinés les uns contre les autres : les sporanges. Ces derniers renferment des milliers de spores (nom féminin), qui, étymologiquement signifient semences. Capables de germer, les spores constituent un organe de reproduction, mais elles sont asexuées.

À maturité, les sporanges s’ouvrent et libèrent les spores qui sont disséminées par le vent. Seules celles qui tombent sur un sol humide pourront germer.

Sporange Sanba38

Les sores sont constitués de sporanges qui renferment les spores. ©Sanba38

Une curieuse forme végétale née pour le sexe

La germination des spores produit le stade reproductif de la fougère que l’on appelle : le gamétophyte. Ce dernier constitue une génération indépendante, qui prend la forme d’une lame aplatie et de taille réduite : le prothalle. Ce mot est formé de l’adverbe latin pro, dans le sens de « qui précède, qui se produit avant », et du nom grec thallos, brindille.

Un prothalle de fougère se présente sous forme d’un petit organe plat et fin, mesurant moins d’1 cm de long. Constitué de cellules chlorophylliennes, le prothalle est donc de couleur verte. Le prothalle se nourrit grâce à de fines racines. Une fois bien développé, il porte sur sa face inférieure des organes sexués, mâles et femelles, donc porteurs de gamètes, les cellules qui assurent la reproduction sexuée.

Prothalle Dicksonia Wikipedia

Un prothalle de fougère arborescente (Dicksonia antarctica)… ©Wikipedia

Logé dans l’anfractuosité centrale du prothalle, l’organe femelle, appelé archégone, présente une forme plus ou moins tubulaire. Il renferme un organe sexué appelé oosphère, que l’on peut comparer à l’ovule animal.

L’organe mâle ou anthéridie, occupe la périphérie du prothalle. Il renferme plusieurs gamètes mâles, les anthérozoïdes, qui se meuvent à l’aide d’un flagelle rappelant ainsi les spermatozoïdes des mammifères. Une fois les anthérozoïdes parvenus à maturité, l’anthéridie les libère pour qu’ils puissent féconder l’oosphère qui les attire est dégageant de l’acide malique. Le succès de la fécondation implique la présence obligatoire d’une fine couche d’eau stagnante à la surface du prothalle, afin que les anthérozoïdes puissent se déplacer.

Les premières frondes de la fougère (sporophyte) vont se développer sur le prothalle qui, ayant achevé son œuvre de reproduction, disparaît ensuite rapidement.

Archegone Ralf Reski

Un archégone vu au microscope. ©Ralf Reski

En résumé

La plupart des fougères vivant aujourd’hui sont dites isosporées, c’est-à-dire que le sporophyte ne donne qu’une seule sorte de spores asexuées qui, après germination, produisent le prothalle asexué portant des organes reproducteurs sexués : archégones femelles et anthéridies mâles. De la fécondation des archégones naît le sporophyte.

L’eau s’avère indispensable dans le cycle de développement des fougères car les sporanges ne peuvent s’ouvrir qu’en présence d’un taux d’humidité atmosphérique suffisant. Par ailleurs, les spores ne germent que sur un substrat humide et la présence d’eau constitue un élément majeur pour la réussite de la fécondation. C’est pourquoi l’abondance des précipitations constitue le principal facteur influent sur la répartition géographique des fougères.

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Les fougères arborescentes (Sphaeropsis cooperi) vivent dans le zones tropicales humides. ©www.map-photos.com – N. & P. Mioulane

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