Influencés par le style inspiré de la nature des jardins chinois, que les Nippons ont sans doute découvert grâce aux Coréens au cours de la seconde moitié du sixième siècle, les jardins japonais se sont développés pratiquement 150 ans plus tard, se caractérisant par une sobriété plus affirmée, voire un dépouillement quasi total. Toujours clos, le jardin japonais couvre une surface beaucoup plus petite que le jardin chinois.
La reproduction symbolique d’un paysage naturel
Le jardin japonais cherche à matérialiser, à échelle réduite, un site naturel composé d’eau, d’îles, d’éboulis, de collines, de montagnes. Mais seuls sont reproduits les traits principaux afin de restituer une atmosphère et non les détails. C’est en cela que les jardins japonais expriment, depuis toujours, une étonnante modernité.
Les plus grands jardins japonais historiques ne sont pas l’œuvre de professionnels paysagistes, mais de moines, de peintres, de maîtres de la cérémonie du thé, ce qui explique leur essence artistique, leur grande diversité et l’absence de rigueur dans leur réalisation.
Les jardins de thé : plaisir ascétique
Un jardin japonais renferme quasiment toujours un pavillon de thé, symbole de détente et de plaisir qui fait partie de ses caractéristiques principales
Les Chaniwa sont des jardins créés spécialement pour la cérémonie du thé. Ils comprennent un pavillon de thé auquel on accède par un chemin de pierres aux contours irréguliers (les fameux pas japonais), ponctué de lanternes de pierre. Dans la philosophie japonaise, pour mériter le pavillon de thé, on doit y accéder par une voie semée d’embûches.
Si le jardin est suffisamment grand et décoré d’une pièce d’eau, il peut être nécessaire de traverser un pont (en arc de cercle, en bois et rouge) avant d’accéder au pavillon de thé.
Une fontaine d’ablution ou tsukubai est placée à l’entré du jardin. Elle est systématiquement utilisée pour effectuer des gestes de purification.
Les arbres taillés en nuages ou niwaki constituent une des pièces maîtresses du décor végétal. Ils évoquent l’harmonie de la nature.
Les jardins secs : l’influence du zen
Le bouddhisme zen a été introduit au Japon au milieu du douzième siècle. Cette philosophie ascétique a profondément modifié la conception et l’apparence du jardin japonais.
Le jardin zen est un espace de concentration qui permet de faire le vide en soi. C’est un lieu de méditation où dominent les pierres, l’eau et les arbres à feuillage persistant. Les jardins secs sont inspirés par la philosophie bouddhiste. Ils invitent à la contemplation, à la méditation.
Le Karesansui est un jardin entièrement sec qui reproduit de façon abstraite un paysage naturel. Jusqu’au seizième siècle, le jardin sec fut le complément indispensable de la demeure d’un supérieur de monastère.
Quelques jardins japonais historiques remarquables
Byodo–in : le plus ancien vestige (1053). Ce jardin bâti sur le site de la villa de Fujiwara Michinaga (966 – 1027), un haut dignitaire de la cour impériale, fut commandé par son fils aîné et transformé en temple en 1052. Toute la composition du jardin, qui comprend de très beaux bassins, constitue une allégorie à la légende de Amida (la Lumière infinie) qui s’étant engagé à secourir tous les êtres souffrant, est énormément vénéré au Japon. Parmi les jardins historiques du Japon, existant encore aujourd’hui, le Byodo-in est le plus ancien.
Saiho-Ji : le jardin de mousses (1339). Plus connu sous le nom de « Kokedera », ce jardin qui fait partie d’un temple Jodo se compose d’une grande pièce d’eau centrale et de généreux bosquets de pins. Tout le sol est entièrement tapissé de mousse, notamment celui de l’île tortue (kameshima). Il a été créé par le paysagiste Muso Kokushi, qui se convertit en moine après avoir terminé son travail. Pour lui, la méditation dans un jardin était la meilleure expérience pour se rapprocher de la sérénité. On y trouve aussi de magnifiques bambous.
Kinkaku-Ji: le pavillon d’or (1395 – 1397). Conçu comme un lieu de retraite et de villégiature par le shogun Ashikaga Yoshimitsu, cette propriété a été transformée en temple Zen à la mort du shogun en 1408 par son fils Yochimochi. Le pavillon couvert de feuilles d’or est supposé conserver des reliques de Bouddha. La construction actuelle date de 1955, le pavillon original ayant été brûlé par un moine fanatique en 1950. Le jardin est constitué par de magnifiques pièces d’eau bordées d’arbres taillés en « nuages ». La propriété a été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1994.
Ginkaku-ji : le pavillon d’argent (1482). Tout comme le pavillon d’or, la propriété a été développée comme un lieu de repos et de villégiature par le shogun Ashikaga Yoshimasa en 1482, puis elle a été transformée en temple Zen à la mort du shogun en 1490. C’est un jardin très complexe qui juxtapose des parties sèches et des pièces d’eau, ce qui est très rare dans le jardin japonais. Le jardin zen est mondialement connu pour sa montagne en tronc de cône.
Ryoan-ji : la sobriété absolue (1488 – 1499). Se décrivant littéralement comme : « le temple du dragon paisible », le Ryoan-ji est l’un des jardins secs les plus célèbres du monde. Mesurant 30 m de long (est/ouest), et 10 m de large (nord/sud), il est composé de 15 pierres disposées en cinq groupes (5, 2, 3, 2 et 3) sur un tapis de graviers blancs qui est ratissé quotidiennement. La disposition des roches est telle qu’il n’est possible d’en contempler que 14 à la fois.
On dit qu’zil faut avoir atteint le degré spirituel suprême de l’illumination, apporté par une profonde méditation zen pour que l’on puisse enfin découvrir les 15 pierres. C’est un Karesansui qui atteint la perfection. Depuis décembre 1994, ce jardin est logiquement classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
Daisen-in : la perfection du jardin de pierres (1509 – 1513). C’est assurément l’un des plus beaux karesansui (jardins secs), construit sur le site d’un temple zen. La disposition savante des pierres de ce jardin évoque une montagne accompagnée d’îles (en forme de tortue et de grue), reliées par des ponts de pierre. On y trouve aussi évoqué une chute d’eau asséchée. L’ensemble du jardin évoque le « long fleuve de la vie » et la conquête de l’immortalité. L’harmonie de la disposition des roches et leur personnalité en fait une véritable œuvre d’art, d’un équilibre admirable. C’est un exemple caractéristique de la manière qu’ont les maîtres du jardin japonais de représenter la nature.
Nanzen–Ji : beauté et éternité (1611 – 1628). C’est un grand complexe de douze temples qui compose l’un des ensembles Zen les plus importants de Kyoto. Implanté depuis 1291 sur le site d’une ancienne villa impériale, le temple a été entièrement brûlé au quinzième siècle, puis reconstruit entre 1611 et 1628. Parmi les jardins ouverts au public : le Hojo est un large rectangle de sable blanc, ponctué de blocs rocheux et de plantations. Le Konchi-in est un des plus célèbres jardins attribué à Kobori Enshu (1579 – 1647), l’un des jardiniers paysagistes japonais les plus réputés de l’histoire.
Jardin de Katsura : un but inaccessible (1620 – 1645). Créé autour d’une villa impériale à la période Edo par l’architecte paysagiste Kobori Enshu pour la résidence du pince Hachijo no Miya Toshihito (1579-1629), ce jardin doit son nom à un conte chinois où Katsura est un Cercidiphyllum géant situé sur la lune, qu’un pauvre Sisyphe est condamné à abattre, mais n’y parvient bien sûr jamais. Ce jardin de 4 ha est une merveilleuse synthèse de l’élégance raffinée de la tradition impériale et de la communion avec la nature. Katsura est considéré, à juste titre, comme l’un des modèles de l’art paysager japonais. L’harmonie entre les amas rocheux, l’eau et les pins subtilement taillés atteint un niveau d’équilbre tout à fait exceptionnel.
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