COMMENT PROTÉGER LES PALMIERS AU NATUREL

De nombreux palmiers dans les jardins du voisinage étant morts, comment puis-je protéger les miens des vers qui les détruisent ?
Depuis la fin des années 1990, deux insectes provoquent des dégâts considérables chez les palmiers plantés dans le sud de la France. Il s’agit du papillon palmivore (Paysandisia archon) et du charançon rouge du palmier (Rhynchophorus ferrugineus). Ces ravageurs, dont les larves se nourrissent du bourgeon central des palmiers, provoquent la mort inéluctable de leur hôte s’ils ne sont pas combattus.

©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV

Les deux plus redoutables ravageurs des palmiers avec leurs larves. ©DR
Tout savoir sur le papillon palmivore
Originaire d’Amérique du Sud et plus précisément d’Argentine, Paysandisia archon est un papillon diurne d’une dizaine de centimètres de diamètre, dont la larve se développe exclusivement aux dépens des tissus tendres des palmiers. Les adultes, qui ne se nourrissent pas, volent de juin à septembre et s’observent surtout par temps sec et ensoleillé, aux heures les plus chaudes de la journée, soit entre midi et 15 h.

Le mâle adulte de Paysandisia archon est un beau papillon d’une dizaine de centimètres d’envergure. ©Didier Descouens

La femelle de Paysandisia archon est plus grande avec un corps plus allongé que celui du mâle. ©Didier Descouens
Les petits œufs de 4 à 5 mm de long, qui ressemblent à des grains de riz, sont déposés en petit groupes à la base des pétioles, de préférence au plus près de la couronne. Une femelle pond environ 140 œufs. Ils éclosent après deux ou trois semaines et les larves charnues blanchâtres, se nourrissent et grossissent jusqu’au début de l’été suivant, atteignant de 8 à 10 cm de long. Il arrive que le cycle larvaire (9 stades) dure jusqu’à 18 mois.

Les larves de Paysandisia archon à leur stade ultime. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
La larve se nymphose dans un cocon constitué de fibres du palmier ce qui lui permet de bien résister au froid en hiver. Elle prélève les fibres de son cocon, à l’intérieur de la galerie qu’elle a elle-même creusée.

Un cocon de Paysandisia archon avec à l’intérieur la chrysalide. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Tout savoir sur le charançon rouge
Coléoptère d’environ 3 cm de long, caractéristique avec sa robe brun orangé tachetée et striée de noir, Rhynchophorus ferrugineus est apparu en France en 2006, à Sanary-sur-Mer (Var), sans doute introduit, comme le papillon palmivore, dans un lot de palmiers infectés provenant de sa région d’origine. Ce ravageur vient d’Asie (Inde du Sud, Indonésie) où il sévit gravement sur les cocotiers (Cocos nucifera). Il se reconnaît aussi à son long rostre, couvert d’un feutrage brun chez le mâle.

Rhynchophorus ferrugineus présente de nettes variations de couleurs allant du rouge soutenu au brun. ©Fauna
Par temps chaud (plus de 20 °C) et humide, les femelles pondent entre 100 et 300 œufs à la base des pétioles ou dans les blessures des palmes et du stipe. Ils éclosent en 2 à 5 jours
Les larves jaune-brun, bien dodues, au corps mou de 3 à 5 cm de long environ, possèdent une tête dure plus foncée, munie de puissantes mandibules qui leur permettent de broyer les tissus ligneux de leurs hôtes. Elles se développent durant 3 mois dans le palmier, creusant la base des pétioles et rongeant le bourgeon central. Les larves se nymphosent ensuite dans un cocon fibreux, se transformant en adulte en deux à trois semaines.

La larve du charançon rouge des palmiers et son cocon qu’elle fabrique elle-même avec les fibres de son hôte. ©Fauna
Quels sont les palmiers attaqués ?
Dans son pays d’origine, le papillon palmivore s’attaque principalement à trois palmiers : le butia argentin (Butia yatay) assez rustique pour être présent en nombre dans les jardins du sud de la France et deux espèces plus frileuses : le palmier pindo (Syagrus romanzoffiana) et Thrithrinax campestris, moins couramment cultivées dans notre pays.

Syagrus romanzoffiana est l’un des hôtes naturels de Paysandisia archon dans son biotope d’origine. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Dans l’Hexagone, on observe des attaques de Paysandisia archon sur la totalité des palmiers cultivés (9 genres, 21 espèces) mais plus fortement sur le palmier nain (Chamaerops humilis), le dattier des Canaries (Phoenix canariensis), le palmier moulin (Trachycarpus fortunei) et le palmier de Californie (Washingtonia filifera).

Le tronc fibreux de Trachycarpus fortunei constitue un abri idéal pour les pontes de Paysandisia archon. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Le palmier de Guadalupe (Brahea edulis), le palmier vinaigre (Butia capitata), le cocotier du Chili (Jubaea chilensis), qui sont des espèces courantes dans les jardins du sud de la France, ne sont pas non plus à l’abri des larves du papillon palmivore.

Butia capitata fait partie des espèces de palmiers les moins appétentes pour le papillon palmivore. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Le charançon rouge est très polyphage et aucune espèce de palmier cultivée dans l’Hexagone n’est potentiellement épargnée. Il montre toutefois une nette préférence pour les palmiers aux feuilles pennées et s’attaque surtout, dans le sud de la France, aux dattiers des Canaries (Phoenix canariensis).

Phoenix canariensis doit faire l’objet d’une attention tout à fait particulière dans les régions infestées par le charançon rouge. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Notez que l’on a observé aussi des attaques de charançon rouge sur des agaves (Agave americana) et sur la canne à sucre (Saccharum officinarum), dont des formes ornementales sont de plus en plus couramment proposées par les jardineries en guide de plantes saisonnières.

Saccharum officinarum peut aussi être attaqué par le charançon rouge du palmier. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Les régions concernées par les ravageurs des palmiers
En France, le papillon palmivore sévit dans les départements côtiers de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Alpes-Maritimes, Bouches-du Rhône, Var touché dès 1999) et du Languedoc-Roussillon (Aude, Gard, Hérault attaqué en 2002, Pyrénées-Orientales depuis 2004). Le sud du Vaucluse est également touché. On craint une extension vers le Sud-Ouest, notamment le Béarn et le Pays Basque, mais il semble que, pour l’instant, l’invasion ait été contenue. Les ravageurs du palmier ne semblent toujours pas présents sur la côte atlantique.

Les jardins d’inspiration exotique étant à la mode, on peut craindre une extension de l’invasion de Paysandisia archon. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Arrivé plus tard sur notre territoire, le charançon rouge est surtout présent dans le Var et les Alpes-Maritimes. Il est également présent dans la Principauté de Monaco (depuis 2012), en Corse et dans le Languedoc-Roussillon. Il a été introduit accidentellement en Bretagne (Morbihan) en 2013 dans un lot de Phoenix importé d’Espagne, mais les plantes ont aussitôt été détruites.

Toutes les plantations de Phoenix canariensis se trouvant sur la Côte d’Azur sont menacées par le charançon rouge. Ici Cap Estérel à Saint Raphaël. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Comment déceler une attaque de papillon palmivore ?
Il est très difficile de détecter les débuts d’une contamination car le plus souvent les symptômes n’apparaissent qu’une fois l’agression bien avancée. Or, un diagnostic tardif met en péril la survie du palmier qui dépend aussi du nombre de larves qui l’infestent.
Soyez vigilant durant les périodes de vol (de mi-mai à septembre avec un pic en juin et juillet) et passez au traitement dès que vous observez des adultes atour ou sur les palmiers. Notez que les papillons, par ailleurs peu farouches (surtout les mâles), se posent souvent sur les feuilles des bambous, bananiers, Cordyline australis, Cycas revoluta, Dasylirion et divers yuccas.

Un Paysandisia archon femelle posé sur un Chamaerops humilis. ©Daniel Villafruela
Méfiez-vous de la présence de perforations à la base des palmes et si ces dernières sont partiellement rongées. Lorsque les palmes paraissent s’atrophier, se déforment ou se dessèchent, le signal d’alerte est plus intense.

Des taches sur les pétioles et des palmes dégarnies sont des signaux d’alarme forts d’une attaque de papillon palmivore. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
La présence de sciure sur la base des pétioles et sur le stipe est un signe important de la présence de larves. Des enveloppes laissées après la mue (les exuvies) sont aussi décelables à la base des palmes et parfois même sur le stipe. Notez que certains palmiers attaqués se mettent à pousser en oblique.

Une exuvie de Paysandisia archon sort partiellement du stipe d’un Trachycarpus fortunei. ©INRA
Les dégâts du papillon palmivore
La chenille, de 8 à 10 cm de long, se nourrit des tissus tendres situés entre la base des feuilles et une zone d’environ 40 cm sous le cœur du palmier, c’est-à-dire le bourgeon central situé au milieu de la couronne de feuilles. Des attaques répétées provoquent la mort du palmier en 2 à 4 ans selon la taille du stipe.

Après une première attaque du papillon palmivore, une timide repousse peut être observée si l’on a bien dégagé toutes les parties abîmées. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Comment déceler une attaque de charançon rouge ?
La totalité du cycle de développement du charançon rouge dure environ 4 mois et se déroule à l’intérieur du palmier. De ce fait, les dégâts sont généralement visibles trop tard. Il faut donc envisager systématiquement une lutte préventive dans les zones à risques. Une bonne méthode consiste à éliminer les palmes du pourtour de la couronne (taille en toupet) afin de pouvoir plus facilement traiter le cœur du palmier qui constitue la cible prioritaire des charançons.

La taille « en toupet » des Phoenix canariensis permet de mieux concentrer la surveillance et les traitements sur la partie centrale de la couronne. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Sur les dattiers des Canaries, les insectes dévorent d’abord les jeunes palmes situées prioritairement au centre de la couronne, en les attaquant à la base. Le stipe et la base des pétioles présentent des perforations desquelles sort un liquide brun visqueux et parfois aussi de la sciure. N’hésitez pas à tirer sur les palmes. Celles qui ont été attaquées se détachent facilement car elles ont pourri à la base.

Les premiers symptômes d’une attaque par les larves du charançon rouge, apparaissent à la base des palmes qui se flétrissent. Ici sur un dattier des Canaries. ©Küchenkraut
Les dégâts du charançon rouge
Si les adultes du charançon rouge se nourrissent de feuilles de palmiers, les dégâts les plus graves sont dus aux larves. Ces dernières passent toute leur vie dans le palmier. Elles mâchent les fibres du stipe a niveau du cœur, ce qui entraîne une fermentation favorable au développement des champignons qui font pourrir les tissus.

Les tissus mâchés par les larves pourrissent petit à petit (ici sur Phoenix canariensis). ©Küchenkraut
Les feuilles jaunissent puis fanent, se desséchant sur la plante. Les stipes de palmiers perforés par les larves perdent de leur rigidité et se montrent très sensibles au vent. L’impact destructeur du charançon rouge est supérieur à celui du papillon palmivore car les dégâts ne sont visibles qu’une fois le cœur du palmier bien saccagé. Sans traitement, les plantes attaquées meurent en général en 2 à 5 ans selon la virulence de l’infestation.

Les charançons rouges prolifèrent rapidement dans les plantes, d’où l’importance des dégâts. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
La lutte contre les ravageurs des palmiers est obligatoire
Paysandisia archon a été décrété organisme nuisible par l’arrêté du 10 juin 1998. La lutte contre ce papillon a été rendue obligatoire par un arrêté du Ministère de l’Agriculture daté du 7 février 2002 (Annexe B).
Un arrêté national de lutte contre le charançon rouge des palmiers a été publié le 21 juillet 2010 et consolidé le 30 juin 2016. Il préconise l’utilisation des nématodes entomopathogènes comme méthode de lutte.
Les deux ravageurs des palmiers sont classés comme des organismes de quarantaine. La commercialisation des palmiers fait désormais l’objet d’une attention toute particulière, notamment pour ce qui concerne les importations.
Comment combattre efficacement les ravageurs des palmiers ?
La lutte biologique s’impose aujourd’hui et présente un bon potentiel d’efficacité grâce à des auxiliaires particulièrement efficients. Le nématode Steinernema carpocapsae est un ver microscopique qui pénètre dans les larves du papillon et du charançon rouge (Rhynchophorus ferrugineus) par leurs orifices naturels. Le nématode libère alors des bactéries qui vivent en symbiose avec lui. Ces dernières produisent une toxine qui entraîne la mort par septicémie des larves avec une efficacité voisine de 100 % en moins de 48 heures. On qualifie ces nématodes de : « entomopathogènes ».

Steinernema carpocapsae est nématode du plus grand intérêt pour la lutte biologique contre les ravageurs des palmiers. ©DR
Les bactéries symbiotiques transforment les tissus des larves en composés nutritifs pour les nématodes. Les Steinernema prolifèrent dans le cadavre de la larve qui, une fois décomposé, permet la dispersion d’une nouvelle génération de nématodes utiles qui sans la présence de nouvelles victimes potentielles, disparaîtront de fait. Les larves des ravageurs des palmiers infectées par les bactéries des nématodes se caractérisent par leur couleur jaune ocre et non blanc crème pour les formes saines.

La dispersion de milliers de nématodes juvéniles après la destruction d’une larve de charançon rouge. ©RecherchGate
La lutte avec des nématodes en pratique
La marque Naturen propose des boîtes renfermant deux sachets contenant chacun 25 millions de nématodes, à diluer dans 15 litres d’eau. Chaque sachet permet de traiter trois palmiers de petite taille (jusqu’à 1,50 m de haut), quatre sujets de 1,50 à 4 m de haut ou deux palmiers adultes de plus de 4 m.

Un arrosoir de 5 litres représente la dose idéale pour le traitement d’un palmier jusqu’à 1,50 m de haut. ©Pasmiou – NewsJardinTV
Les nématodes proposés dans le commerce étant un produit vivant, leur temps de conservation est limité à environ une quinzaine de jours, à l’abri de la lumière et entre 2 et 6 °C. La date de péremption du produit est indiquée sur l’emballage.
L’avantage de cette méthode de traitement est qu’elle offre une efficacité tout aussi préventive que curative. Dans les zones fortement infestées il est indispensable de traiter les palmiers encore sains.

Conservez les nématodes au réfrigérateur si vous ne pouvez pas les utiliser immédiatement. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV
Une fois ouvert, tout le contenu d’un sachet doit être utilisé. Mélangez bien les nématodes à l’eau dans un récipient, puis laissez la solution reposer 5 minutes avant de l’appliquer. Sur les petits palmiers, vous pouvez utiliser un arrosoir, pour les sujets importants, l’emploi d’un pulvérisateur s’impose, mais il en raison de la granulométrie de la solution, il faut retirer les filtres dont le maillage est inférieur à 0,3 mm.

Versez la dose adéquate de nématodes dans un récipient selon vos besoins et mélangez bien avec de l’eau. ©Pasmiou – NewsJardinTV
La lutte contre le papillon palmivore se limite à une ou deux applications entre mars et juin, à renouveler de septembre à novembre. Une action efficace contre le charançon rouge nécessite un traitement toutes les trois à quatre semaines, de mars à novembre. Dans le cas d’une forte infestation, il est conseillé d’effectuer deux applications à une semaine d’intervalle et d’effectuer deux pulvérisations d’un insecticide homologué entre le 1er juillet et le 31 août.

Préparez la solution de nématodes dans un arrosoir ou un seau selon vos besoins et mélangez bien avant de laisser reposer. ©Pasmiou – NewsJardinTV
Pour une bonne efficacité, traitez directement le cœur de la couronne, la base des feuilles et le stipe du palmier. Assurez-vous que le produit pénètre bien à l’intérieur de la plante. Par temps chaud (plus de 25 °C), intervenez de préférence le soir « à la fraîche ». Il est préférable que les nématodes ne soient pas exposés directement au soleil car ils sont vite détruits par les rayons UV. Sachez que dans le cas où le bourgeon apical a été dévoré, il est préférable de détruire le palmier car il ne sera pas possible de le sauver.
Vous pouvez commander directement en ligne des nématodes contre le papillon palmivore et le charançon rouge du palmier sur le site : www.jardinage-raisonne.fr

Appliquez bien la solution de nématodes au cœur même du palmier (ici un Chamaerops humilis). ©Pasmiou – NewsJardinTV
Quelques conseils de prévention contre les ravageurs des palmiers
N’achetez un palmier que chez un producteur réputé ou dans une jardinerie qui garantit la traçabilité de ses plantes. Après la plantation d’un nouveau palmier, maintenez une surveillance attentive durant les premiers étés. Une observation hebdomadaire des palmiers de fin mai à mi-août est conseillée. La pose d’un voile anti-insectes de mai à septembre constitue une bonne mesure de protection des jeunes sujets car cet accessoire empêche le papillon de pondre.

Les mailles particulières du filet anti-insectes laissent passer l’air et l’eau, mais pas les ravageurs. ©Degrav’agri
Veillez à ce que les palmiers ne présentent pas de blessures car ce sont des zones attractives pour le charançon rouge qui apprécie la présence d’ouverture dans le palmier pour y pondre. Appliquez un mastic cicatrisant qui constituera une barrière efficace. Pratiquez plutôt la taille (coupe des vieilles palmes) durant la période hivernale car le charançon est alors inactif. N’intervenez pas d’avril à octobre.
Sensibilisez vos voisins situés dans un rayon de 200 m autour de votre jardin pour qu’ils protègent aussi leurs palmiers, sinon ils contribueront involontairement à la dissémination des bioagresseurs.

Dans toutes les zones sensibles, les palmiers doivent faire l’objet d’une attention vigilante et surtout de traitements préventifs afin d’assurer leur survie. ©N. & P. Mioulane – NewsJardinTV