26/04/2024

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LE CAMÉLIA, UN RETOUR EN GRÂCE BIEN MÉRITÉ

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Camellia santiniana NPA 150420001

Camellia santiniana. ©MAP/Nathalie Pasquel

Les camélias sont des petits arbres ou des arbustes originaires le plus souvent de Chine. Mais il est aussi possible d’en trouver au Japon, en Inde, dans les forêts de l’Himalaya, en Corée, à Java et à Sumatra. La plupart des 250 espèces connues du genre Camellia, prospèrent dans les sous-bois des régions montagneuses, à l’abri du vent et sous des climats humides.

Cette plante de la famille des Theaceae se décline en plus de 2 000 cultivars, dont les deux tiers sont issus de Camellia japonica qui fut pendant plusieurs siècles la seule espèce connue en Europe. Contrairement à ce que son nom laisse supposer, Camellia japonica n’est pas natif du Japon. Il y fut introduit par des missionnaires bouddhistes au douzième siècle, des moines qui s’intéressaient à la recherche et aux échanges botaniques.

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Camellia japonica ‘Midnight Variegated’. ©www.map-photos.com – Arnaud Descat

Le thé est un camélia

De tous les camélias, le plus employé à travers le monde reste sans conteste le camélia de Chine (Camellia sinensis). Depuis près de 1 500 ans, les Asiatiques apprécient ses nombreuses propriétés aromatiques et médicinales, élaborant le fameux thé avec ses feuilles et ses bourgeons séchés.

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Fleur de Camellia sinensis (théier). ©www.map-photos.com – Nicole et Patrick Mioulane

Le savoureux breuvage fut commercialisé dès 1559 à Venise puis très vite à Londres, Paris et Amsterdam. Le thé se monnayait alors fort cher. Les amateurs les plus ardus étaient, et ils le sont toujours, les Anglais, qui n’avaient de cesse de se procurer cette boisson, malgré un coût de plus en plus élevé. Les prix étaient tels que les Britanniques finirent par acquérir des graines pour les semer chez eux.

Mais les Chinois ont toujours été d’habiles commerçants. Ils ne voulurent pas perdre une source confortable de revenus et cédèrent des graines de camélia du Japon et non celles du précieux camélia de Chine. Les Anglais se rendirent compte tardivement de la supercherie et apprirent à leur dépens qu’il est impossible d’utiliser le feuillage de Camellia japonica en infusion. Mais ils découvrirent au printemps une floraison superbe, qui leur fit nommer la fleur « rose chinoise ».

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Camellia japonica ‘Night Rider’. ©www.map-photos.com – Arnaud Descat

Engelbert Kaempfer, découvreur du camélia

Il fallut attendre le dix-septième siècle pour que le camélia envahisse les serres et les orangeries des collectionneurs. Engelbert Kaempfer (1651-1716), botaniste, médecin et explorateur allemand, travaillait pour la Compagnie hollandaise des Indes, une société très active dans la recherche, le transport et la commercialisation des épices et des végétaux. Kaempfer effectua la première description du camélia, dont il fit aussi des croquis en 1690. Il présenta partout en Europe des espèces de Camellia sasanqua, Camellia japonica et Camellia sinensis. Si les Anglais et les Portugais s’intéressèrent tout de suite à cette plante d’origine lointaine, les Italiens, les Espagnols et les Français la considérèrent alors comme une simple curiosité. Il est vrai qu’ayant installé cet arbuste de montagne dans les intérieurs, il ne purent les conserver bien longtemps

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Camellia japonica ‘Lipstick’. ©www.map-photos.com – Arnaud Descat

 

Hommage à un jésuite

En 1753, Linné, le génial botaniste suédois créa le nom Camellia, en hommage à Joseph Kamel (1661- 1706), un jésuite féru de botanique, qui, en 1700, avait importé d’Asie tropicale des plants de cet arbuste, jusqu’en Saxe. Jusque-là, les Chinois le nommaient « Cha » et les Japonais « Tsubaki ».

En 1794, quelques spécimens collectés au Japon furent installés dans les jardins du château de Pillnitz et de Hanovre en Allemagne. Un pied fut offert au domaine de Cazerte en Sicile et un autre en Angleterre. En France, Joséphine de Beauharnais en cultivait dans les serres de son domaine de la Malmaison et elle en lança la mode car il est toujours de bon ton pour l’aristocratie de copier ce qui se fait dans les palais de la nation.

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Camellia williamsii ‘Waterhouse’. ©www.map-photos.com – Frédéric Tournay

La Dame aux camélias

En 1848, Alexandre Dumas (fils) rédigea le célèbre livre : « La Dame aux camélias ». Marie Duplessis, l’héroïne du roman, souffre de graves difficultés respiratoires. Elle apprécie les fleurs, mais le parfum qu’elles dégagent l’incommode. La floraison du camélia étant inodore ou presque, Alexandre Dumas choisit la fleur pour cette raison. En revanche, il semble ignorer l’orthographe exacte du nom de la plante. Il écrit donc dans son ouvrage camélia avec un seul « l » alors qu’il en aurait fallu deux. Le livre ayant connu un gigantesque succès, l’orthographe fautive fut finalement celle retenue par les linguistes pour le nom français de la plante.

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Camellia japonica ‘Dahlohnega’. ©www.map-photos.com – Arnaud Descat

De la guerre à la mode

À la suite du succès de La Dame aux camélias, qui inspira aussi en 1853 l’opéra de Verdi, La Traviata , la mode du camélia persista jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle. Les pépiniéristes suivirent le mouvement. Des spécialistes s’installèrent et prospérèrent dans l’Ouest de la France où le climat est favorable au camélia. Ils exportaient alors d’énormes quantités vers les autres pays européens et le continent américain.

Le début du dix-neuvième siècle apporta récession économique, chômage, et la Première Guerre. Il n’était plus de bon ton d’exhiber une fleur symbolisant la richesse. Le camélia disparut petit à petit des jardins et les professionnels n’arrivèrent plus à écouler leur production.

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Camellia ‘Leonard’Messel’. ©www.map-photos.com – Frédéric Tournay

Le camélia, fleur de l’élégance

Pendant que les hommes se battaient au fond des tranchées, les femmes travaillaient dans les usines et les administrations. Durant ces longues années, elles n’eurent ni le loisir ni l’esprit à la coquetterie. Dès la fin des hostilités, elles purent enfin se le permettre. Les belles Parisiennes redécouvrirent alors la fleur du camélia et en ornèrent leurs chapeaux ou leurs cheveux.

Avec la Belle Époque, il fut du plus grand chic pour les élégants d’arborer à la boutonnière une fleur de camélia. Il n’est donc pas surprenant qu’une grande dame de la haute couture, Coco Chanel (1883-1971), ait choisi pour emblème cette fleur.

L’heureux élu fut Camellia japonica ‘Montironi’, une variété d’un blanc immaculé. Mais les modes sont fugaces, et le camélia retomba à nouveau dans l’oubli jusqu’à il y a trois décennies et ses retrouvailles chaleureuses avec les jardiniers amateurs. Désormais, les camélias font partie des grandes vedettes de nos jardins, surtout lorsqu’ils sont bien abrités, ombragés et bénéficient d’un sol plutôt acide.

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Camellia japonica ‘Montironi’, un superbe cultivar à fleurs doubles bien blanches. ©Domaine des Rochettes

Camélia d’automne

Il ne faut surtout pas hésiter à planter des camélias au nord de la Loire. Beaucoup de variétés résistent à de fortes gelées, lorsqu’elle sont de courte durée. En revanche, les camélias redoutent les rayons brûlants du soleil de midi (et du Midi).

Si la plupart des camélias fleurissent au printemps (Camellia japonica, Camellia saluenenis, Camellia x williamsii, Camellia reticulata), Camellia sasanqua illumine le jardin de l’automne à l’hiver, par sa floraison au parfum de thé au jasmin. C’est un petit arbre aux fleurs simples, dont les pétales tombent facilement, formant sur le sol un tapis coloré, comme le font au printemps les fleurs de cerisier. Cette espèce a été nommée en 1784 par le célèbre botaniste allemand Carl Peter Thunberg (1743-1828).

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Camellia x williamsii ‘Jury’s Yellow’. Collection Pépinière Stervinou. ©www.map-photos.com – Arnaud Descat

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Camellia ‘Barbara Clark’. ©www.map-photos.com – Arnaud Descat

Il est encore possible de voir des camélias à l’état naturel dans les montagnes d’Assam en Inde et en Birmanie. Certains atteignent 8 m de hauteur à l’âge adulte. Au Japon, on considère le camélia comme le symbole d’une vie qui s’achève brusquement, en raison de la propriété qu’ont les fleurs de se détacher soudain et entières lorsqu’elles fanent, au lieu de perdre leurs pétales les uns après les autres comme la plupart des autres plantes.

La plupart des photos illustrant cet article proviennent des collections de la photothèque MAP/Mise au Point et sont soumises au droit d’auteur : www.map-photos.com

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