La jolie fleur flammée de Tulipa acuminata. ©Flora
Appelée aussi « tulipe flamme de feu » ou « tulipe turque », Tulipa acuminata a d’abord été confondue avec Tulipa gesneriana en 1753 par le fameux naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778. Elle doit sa dénomination acceptée par la nomenclature botanique internationale, au danois Martin Henrichsen Vahl (1749-1804), appellation qui a été officialisée en 1813 par un autre botaniste danois : Jens Wilken Hornemann (1770-1841), mais elle avait déjà été décrite dès 1720. Tulipa acuminata est donc considérée comme une espèce botanique (sauvage). Or, elle n’a jamais été observée dans la nature !
Les spécialistes considèrent aujourd’hui qu’il s’agirait de l’un des plus anciens cultivars de tulipes existant encore de nos jours, une plante sélectionnée en Turquie par les jardiniers des sultans ottomans.
La tulipe emblème de l’Empire ottoman
Déjà, aux quinzième et seizième siècles, le Sultan Mehmed II (1451-1481) et Soliman le Magnifique (1520-1566) faisaient décorer les jardins impériaux de très nombreuses tulipes. Ce dernier fit même de la tulipe la fleur emblème du peuple ottoman. Les plantes étaient récoltées dans la nature dans des conditions souvent très éprouvantes, les tulipes poussant spontanément dans des régions d’altitude froides et semi-arides.
Aujourd’hui encore la tulipe reste une des fleurs reines d’Istanbul. ©Travel
La passion des tulipes aux fleurs effilées
On doit à Ahmed III (1673-1736), 23e sultan de l’Empire ottoman, qui régna de 1703 à 1730, la fameuse « Ère des tulipes » qui s’étendit du 21 juillet 1718 au 28 septembre 1730. C’est durant cette période, où la tulipe symbolisa la noblesse et la réussite, que les premiers cultivars (variétés provenant de la culture) furent sélectionnés.
Il semble qu’à cette époque les formes aux fleurs effilées furent les plus prisées. Il suffit pour s’en convaincre d’en observer les représentations sur les fresques et les céramiques du palais de Topkapi à Istanbul. On en trouve aussi la description et plusieurs illustrations dans « Le Livre des Tulipes » publié en 1725. Mais quasiment toutes disparurent après le soulèvement du peuple opprimé et les nombreux conflits qui s’en suivirent.
Illustration d’une tulipe ressemblant beaucoup à Tulipa acuminata, dans le « Livre des Tulipes » datant de 1725.
Une plante miraculeusement sauvée par des jardiniers
Les botanistes Hollandais passionnés de tulipes, ont permis la survivance de Tulipa acuminata, mais il est fort probable que l’on doive au révérend anglais Henry Harpur-Crewe (1828-1883) la (relative) vulgarisation de cette espèce. Ce jardinier émérite, qui cultivait un jardin à Drayton Beauchamp dans le Buckinghamshire, a écrit dans le numéro du 20 mai 1786 de « The Garden », la revue de la Royal horticultural Society (RHS) : « Tulipa acuminata est si étrange et si curieuse que quiconque l’a cultivée ne peut plus s’en passer ».
C’est dans le jardin de l’église Ste Marie de Drayton Beauchamp qu’Henry Harpur-Crewe cultivait Tulipa acuminata au dix-neuvième siècle. ©Simon Port
La fleur extravagante de la tulipe araignée
Formant un bulbe assez petit (8 cm de circonférence en moyenne contre 10/12 cm pour les tulipes de jardins), Tulipa acuminata développe en général trois larges feuilles légèrement ondulées
La hampe florale de Tulipa acuminata mesure de 40 à 50 cm de haut. En avril-mai, elle porte en son extrémité un bouton étroit qui s’ouvre en une corolle de longs tépales ondulés, voire torsadés, effilés (maximum 1,5 cm de large), jaune pâle flammé de rouge, qui atteignent 10 cm de long. Certains comparent la fleur à une araignée végétale ! C’est une forme unique dans le genre Tulipa et il n’est pas possible de confondre T. acuminata avec l’une de quelque 115 espèces officiellement répertoriées aujourd’hui.
On comprend pourquoi Tulipa acuminata est appelée souvent « tulipe araignée ». ©Flora
Tulipa acuminata réussit dans tous les jardins
Comme toutes ses congénères, la tulipe cornue apprécie les sols fertiles et bien drainés et les emplacements dégagés, bien ensoleillés. En raison de sa haute taille, elle craint les vents forts. La proximité d’une haie ou d’un arbuste est donc conseillée. Plantez les bulbes en octobre, à 20 cm de profondeur, de préférence en groupe d’une dizaine afin d’obtenir une touffe plus spectaculaire. Espacez chaque bulbe de 10 cm. Lors de l’émergence des feuilles au début du printemps, veillez à ce que la plante ne manque pas d’eau, mais le sol ne doit jamais être détrempé, l’humidité stagnante étant l’ennemi numéro un de toutes les tulipes.
Vous pouvez aussi cultiver Tulipa acuminata dans un grand pot (30 cm de profondeur), en l’associant à des crocus et des narcisses pour une floraison étagée dès la sortie de l’hiver.
Il est préférable de plantes Tulipa acuminata en groupe afin d’accentuer l’effet d’étrangeté. ©Flora
Quelques gestes d’entretien simples, mais importants
Pendant et après la floraison, apportez un engrais « bulbes » afin de bien nourrir la plante et lui fournir l’énergie nécessaire à la reconstitution de ses réserves et à la formation d’une ou deux bulbilles.
Une fois les fleurs fanées, laissez le feuillage assurer la photosynthèse et surtout ne le coupez pas. Il va jaunir et sécher naturellement avant l’été. Vous pourrez alors le couper au ras du sol pour permettre à la plante d’effectuer sa dormance estivale (estivation). Vous pouvez laisser en terre les bulbes de Tulipa acuminata car la plante est parfaitement rustique. Toutefois, dans les régions humides, il est préférable d’arracher les plantes au feuillage desséché et de conserver les bulbes bien au sec et à l’obscurité jusqu’à l’automne suivant.
Dans de bonnes conditions, Tulipa acuminata se naturalise très bien dans le jardin. ©Flora
Acheter des bulbes de Tulipa acuminata
À partir de début septembre, et jusqu’à fin novembre, vous trouverez des bulbes de Tulipa acuminata dans les points de vente spécialisés dans les bulbes à fleurs ainsi que sur le web. Pour contacter un bon producteur spécialiste, cliquez sur le lien (texte en bleu, souligné).
Une tulipe acuminée illustrée dans un manuscrit turc dix-huitième siècle.