26/04/2024

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LA VIOLETTE, FLEUR TIMIDE AU PARFUM ENVOÛTANT

Gravure Violette 869

Nous avons tous, au moins une fois, fredonné quelques paroles de la chanson : « l’Amour est un bouquet de violettes » écrite en 1952 par Mireille Brocey (1909-1953) pour l’opérette de Francis Lopez (1916-1995), Violettes impériales, interprétée par le regretté Luis Mariano (1914-1970). Mais aujourd’hui, la violette, tout comme l’opérette, n’est plus guère à la mode et il devient difficile de trouver dans la vitrine des fleuristes des bouquets de violettes. Ce sont pourtant des petites fleurs délicieuses et le parfum que dégagent certaines formes sauvages et quelques-uns de leurs cultivars est ô combien subtil.

violette

Gravure Violette 869

La violette, une plante stolonifère

Nommée en 1753 par l’incontournable naturaliste Suédois Carl von Linné (17807-1778), Viola odorata, la violette commune, a donné son nom à lafamille des Violacées (une vingtaine de genres plus de 800 espèces). Elle épanouit de février à mai, et c’est logique, des fleurs généralement violettes. À ce propos, je me suis souvent posé la question suivante : « la plante tient-elle son nom de sa couleur ou est-ce la fleur qui a donné le nom à la couleur ? » Pour ne pas commettre d’erreurs, j’ai consulté le Grand Robert en six volumes, une édition dirigée par Alain Rey (né en 1928), le plus grand de nos linguistes. Il y est précisé que : « violette » est dérivé de l’ancien français viole, lui-même issu du latin viola qui signifie… violette. Le volume 15 du Grand Dictionnaire encyclopédique Larousse a confirmé mon intuition, avec pour le mot « violet » : vient de violette.

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C’est bien le nom même de la plante qui a donné celui de la couleur de sa fleur. ©www.map-photos.com

La violette, une des rares Violacées odorantes

Petite plante vivace au feuillage persistant, spontanée dans toute l’Europe, la violette odorante, Viola odorata, ne dépasse guère 10 cm de haut. On l’appelle aussi « fleur de mars » en raislon  de ses fleurs, intensément parfumées, qui apparaissent généralement le troisième mois de l’année, mais parfois dans le courant février. Elles se succèdent jusqu’à la mi-mai environ, exhalant un puissant parfumque l’on ne retrouve pas chez les la plupart des cultivars (hormis la violette de Parme dont est aussi issue la violette de Toulouse).

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Viola odorata ‘Parme De Toulouse’ (violette odorante). ©MAP/Mise au Point

 

La violette dans la mythologie

La mythologie s’attribue souvent la création des plantes qui nous entourent et la violette n’échappe pas à la règle. Zeus (Jupiter) dieu des dieux, mais mari volage et amant insatiable, s’intéressa à la jeune vierge Io, fille de titan Atlas. Cela éveilla la jalousie de son épouse Héra (Junon), déesse du Mariage. Alors Zeus transforma la nymphe en une innocente génisse blanche. Mais désirant lui offrir mieux qu’un simple régime herbacé, il fit envahir les champs et les prés d’une plante à la chair plus douce, à l’aspect plus séduisant et au parfum enjôleur. Io que l’on retrouve dans le nom botanique Viola, est surtout connue aujourd’hui pour être une véritable star chez les cruciverbistes.

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Jupiter offrant Io à Junon par David Tenier l’Ancien (1638)

On rencontre aussi la violette dans une autre histoire de l’Olympe. Coré, la vierge du printemps, fille de Déméter (Cérès) déesse de la Terre et des Moissons et de Zeus (Jupiter), le dieu des dieux, étourdie par le parfum des violettes qu’elle cueillait, se laissa séduire et enlever par Hadès (Pluton), dieu des Morts et devint la reine des Enfers sous le nom de Perséphone (Proserpine).

Dans notre civilisation, la légende veut que le premier homme (Adam) fut à l’origine de la création de la violette. Après avoir été chassé du paradis, il manifestait son désespoir en pleurant à chaudes larmes. Chacune en touchant le sol donna naissance à cette petite fleur que l’on assimile à un deuil et qui est le symbole chrétien de l’humilité.

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L’enlèvement de Proserpine par Alessandro Allori (1570). Musée Paul Getty

Les pouvoirs magiques de la violette

Depuis toujours, la violette a fasciné les hommes qui lui ont bien évidemment attribué quantité de facultés plus ou moins avérées. Les Grecs antiques ornaient de ces fleurs parfumées les guirlandes habillant le berceau des nouveaux-nés. Ils souhaitaient ainsi aux chérubins prospérité et bonheur. La fleur de violette entrait aussi dans la composition de tisanes et de pommades, ses propriétés médicinales étant paraît-il, très efficaces pour lutter contre les migraines.

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L’infusion de fleurs de violette est réputée apaiser les maux de tête. ©Flora

Pour les Romains, la violette symbolisait le regret et la pénitence. Pas un enterrement sans violettes ! Si cette dernière a disparu des cortèges funèbres, elle a légué sa couleur à la soutane des évêques. Au Moyen Âge, les violettes ornaient les jardins des monastères. On les cueillait dans la nature pour les vendre sur les marchés. En ce temps-là, offrir à une femme, un ami ou un prince, un bouquet de violettes était un geste élégant et apprécié. Tant et si bien que les horticulteurs se hâtèrent d’en produire pour satisfaire une demande toujours plus importante.

 

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Le traditionnel petit bouquet de violettes est toujours apprécié au printemps, y compris dans les mariages. ©Flora

La violette, une fleur aimée de tous

Au dix-huitième siècle, les fleuristes cultivaient de grandes quantités de violettes. Elles étaient aimées de tous, pauvres et nantis, gens du peuple, de la bourgeoisie ou de la noblesse. La violette fut aussi l’une des fleurs préférées de la reine Marie-Antoinette (1755-1793) et par voie de conséquences, de toutes les élégantes de l’époque, qui n’avaient de cesse de vouloir imiter la souveraine. Pendant la Révolution, il se vendait tant de bouquets que les représentants du peuple décidèrent d’en tirer profit. Les bouquetières qui en faisaient commerce furent imposées et durent reverser à l’État une partie de leurs recettes.

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Marie-Antoinette âgée de 13 ans dans une robe avec des violettes. Par Martin van Meytens (1695-1770)

 

Le Caporal la Violette

Le 29 avril 1814, Napoléon embarquant pour l’île d’Elbe, annonça solennellement à ses fidèles qu’il reviendrait sur le continent au printemps, quand les violettes refleuriront. Il tint parole… Après 300 jours d’exil, l’Empereur posa le pied sur la terre de France le 26 février 1815. Les bonapartistes choisirent alors la fleur pour emblème et donnèrent à Napoléon le surnom de « Caporal la Violette ». Sur le chemin de Paris, la petite troupe fit halte à Grenoble. De nouveaux sympathisants se joignirent au groupe, gonflant ainsi les effectifs de la nouvelle armée. Le bataillon de la Violette était né ! Le symbole impérial était si fort que, les années suivant la chute de l’Aigle, il fut interdit de publier toute représentation de la plante.

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Napoléon quittant l’île d’Elbe le 26 février 1815. Par Joseph Beaume (1796-1885).

La violette de Toulouse

Dans les années 1850, l’Europe toute entière s’intéressa à la violette, avec l’introduction de la violette de Parme, caractérisée par ses fleurs doubles mais aussi plus grandes que celles de la violette sauvage. La plante se montrant pour le moins frileuse, elle fut adoptée dans la région de Toulouse dont elle devint une spécialité et même l’emblème floral. Les collectionneurs se l’échangeaient, les obtenteurs la multipliaient. La plante envahit les salons parisiens et les intérieurs luxueux.

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Viola odorata ‘Reine des Blanches’ (violette de parme blanche). ©MAP/Mise au Point

Cette époque fut aussi faste pour les fleuristes de la région parisienne. Les horticulteurs de Fontenay-aux-Roses, Rungis, Bourg-la-Reine et Sceaux en produisaient sur plus de 200 ha ! Mais le développement du chemin de fer mit le Midi à quelques heures seulement de la capitale. La violette parisienne disparut au profit des cultures de Hyères, Grasse ou Nice et, bien évidemment, de Toulouse.

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La fameuse violette de Toulouse et ses fleurs doubles. ©DR

En 1879, un confiseur astucieux, le sieur Bonnel, cristallisa les fleurs de violette, les transformant en de délicieuses sucreries. Aujourd’hui encore, elles font le bonheur des touristes qui arpentent les rues de la ville rose. En 1907, une coopérative regroupant les producteurs toulousains fut créée. Elle recensait alors 400 floriculteurs qui commercialisaient près de 600 000 bouquets par an.

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Fleurs de violettes de Toulouse cristallisées dans le sucre. ©DR

La violette, fleur à parfum

Au dix-neuvième siècle, on distillait pour la parfumerie près de 300 tonnes de fleurs et de feuilles de violette par an, une quantité qui ne cessa d’augmenter jusqu’à la fin des années 1960. Mais l’industrie chimique s’est désormais emparée du marché. Des extraits synthétiques sont utilisés en parfumerie, en confiserie ou en cosmétique. La production d’essence naturelle de violette s’effondra et il ne reste plus aujourd’hui qu’une petite poignée d’horticulteurs à croire encore à l’avenir de la plante.

parfum Violette

Les parfums à l’essence naturelle de violette se font de plus en plus rares.

En 1984, les autorités régionales de Midi-Pyrénées ont déposé la marque « Violette de Toulouse ». Dix ans plus tard, un conservatoire fut inauguré dans les serres municipales de la ville. Cette collection agréée par le CCVS (Conservatoire des collections végétales spécialisées) est riche de 80 variétés et cultivars originaires principalement d’Europe et de Chine. Depuis quelques années, et sous l’impulsion de passionnés comme Nathalie Casbas (31 Villaudric) qui possède la collection nationale de cultivars anciens (200 taxons), les Français semblent s’intéresser de nouveau à la violette.

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Nathalie Casbas a développé la collection nationale de variétés anciennes de violettes. ©DR

La violette, fleur associée à de nombreux symboles

Les amoureux n’hésitent plus à offrir de délicats petits bouquets, simples et sans prétention, car la violette symbolise encore et toujours le cœur, l’amour caché ou sans prétention, la beauté innocente et l’âme modeste. Discrète et pudique, la fleur délivre ce message : « Je pense à toi en secret. » On peut offrir sa forme blanche lors d’un mariage car elle signifie : « Puissiez-vous être heureux ! »

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La violette délivre un message d’amour, le parfum ajoutant une note de sensualité. ©John William Godward

La violette odorante n’est qu’une des quelques 500 espèces que compte le genre Viola parmi lesquelles on compte la pensée (Viola x wittrockiana) et la petite violette cornue (Viola cornuta) qui font partie des plantes les plus populaires de nos jardins au printemps. Leurs couleurs sont riches et variées, mais elles ont oublié le parfum…

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Viola cornuta ‘Sorbet Morpho’ (Violette cornue). ©MAP/N. & P. Mioulane

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