29/03/2024

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L’IRIS, FLEUR ARC-EN-CIEL, MESSAGÈRE DES DIEUX…

Gravure d'iris pseudacorus
Gravure d'iris pseudacorus

Iris pseudacorus. Gravure : Un jardin d’Éden – Taschen

Il existe environ 300 espèces d’iris, originaires pour la plupart des régions tempérées de l’hémisphère Nord. Depuis toujours, la beauté de cette plante fascine. Pour les Égyptiens, l’iris est associé à Horus, le dieu Faucon, l’une des plus anciennes divinités de cette civilisation antique. Horus symbolise le soleil du matin et celui du soir. Les couleurs vives et variées de la fleur en firent très vite le symbole d’un arc-en-ciel réunissant le ciel et la terre.

Rien d’étonnant, à ce qu’Iris, la déesse grecque de l’arc-en-ciel (la fameuse écharpe d’iris), vierge aux ailes d’or et messagère des bonnes nouvelles transmises par tous les dieux éternels, lui ait donné son nom. Devenue emblème du pouvoir divin, la plante est souvent représentée sur les parois des palais majestueux comme celui d’Akhenaton (vers 1350 ans av. J.-C.) et sur de nombreuses sépultures.

Iris Egypte

Ce papyrus égyptien représente la confection de bouquets d’iris.

Les propriétés étonnantes du rhizome d’iris

Les grands prêtres de l’Antiquité appréciaient l’iris pour la fleur mais aussi pour la senteur dégagée par la combustion de ses rhizomes. Ils n’étaient pas les seuls à vénérer la plante. Les médecins étaient persuadés que l’iris contenait les principes propres à guérir des piqûres de scorpions et de serpents, des maux d’estomac, et bien d’autres maladies.

Les rhizomes étaient donnés aux jeunes enfants pour qu’ils puissent les mâchouiller, favorisant ainsi la percée des nouvelles dents. Cette pratique qui était encore recommandée en France au début du siècle dernier, bénéficierait même depuis peu d’un regain d’intérêt. Inspirés par les Grecs, les Romains utilisaient l’iris pour l’élaboration de remèdes médicamenteux. Les rhizomes séchés, supposés traiter les maladies respiratoires, servaient aussi à aromatiser le vin et une huile destinée à supprimer les odeurs de transpiration !

Iris Rhizome Monniaux

C’est dans ses rhizomes que l’iris cache toutes ses propriétés officinales et cosmétiques. ©David Monniaux

Dans l’Antiquité, les fleurs d’iris présentaient aussi un caractère sacré. Elles entraient dans la composition des bouquets qui ornaient les lieux de culte. Quelques siècles plus tard, l’iris des marais devint la fleur emblématique de la monarchie et figura sur les armes des familles royales de l’Europe occidentale. Légende ou réalité ? L’histoire mérite d’être racontée…

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‘Folie Douce’. Ce grand iris barbu, obtenu par Cayeux en 2009, montre toute la subtile richesse des coloris offerts par ces vivaces rhizomateuses. ©www.map-photos.com – N. & P. Mioulane

L’iris talisman de Clovis

Guerrier courageux et redoutable, fin stratège, Clovis (466-511), alors tout jeune homme, mit en déroute l’armée romaine à Soissons en 486 et remporta une victoire écrasante sur les Alamans à Tolbiac dix ans plus tard. En 507, Clovis réunit ses troupes et fonça sur Châtellerault pour débusquer les Wisigoths qui terrorisaient et pillaient les populations. Lorsqu’il aperçut l’armée ennemie, Clovis fut stoppé dans son avancée par la Vienne, une rivière large et profonde. Ne sachant comment franchir le cours d’eau, il vit une biche traverser la rivière à gué. Il n’eut qu’à suivre la voie tracée par l’animal pour fendre les eaux. Parvenu sur l’autre berge, Clovis remarqua une jolie fleur jaune qui poussait en grand nombre. Il cueillit l’un de ces iris des marais (Iris pseudacorus) et partit vaillamment à la bataille, en brandissant son nouveau talisman. Victoire totale ! Persuadé qu’il devait son triomphe à la petite plante, le roi des Francs fit de l’iris son emblème, le symbole de la monarchie et de l’unité du royaume.

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Le sceptre de Clovis, premier roi de France, arbore la représentation d’un iris des marais.

L’iris plébiscité par Charlemagne

Charlemagne (742-814), le plus illustre des rois carolingiens, aimait l’iris et il encouragea sa culture. Tous les lieux de culte, toutes les demeures d’importance étaient ornés de cette vivace, suivant en cela le capitulaire De Villis, un acte législatif qui édictait les règles à respecter par tous ceux qui régissaient ces domaines. Ce texte est surtout connu par son capitule (article) 70 qui liste les végétaux dont la culture est ordonnée dans les jardins royaux. L’iris fait partie des quelque 94 plantes qui y sont citées.

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L’iris figure dans la liste des 94 plantes indispensables citées dans l’acte législatif appelé capitulaire de Villis

 

Iris pseudacorus, la fleur des rois

Louis VII, le Jeune (1120-1180), de la dynastie capétienne, fit son emblème de l’iris des marais (Iris pseudacorus), parce qu’il avait gagné une bataille importante dans un champ orné de ces fleurs. L’iris devint l’emblème officiel de la royauté à la mort du roi le 18 septembre 1180. On l’appela « fleur de Louis », qui, par déformation devint « fleur de Louy » puis « fleur de lys », accordant une destinée royale au lis qui ne l’avait pas méritée ! Si l’histoire est controversée, reste que les armoiries conservèrent le dessin initial qui, avouons-le, est plus proche de la représentation d’un iris que d’un lys. 

Blason chapitre moulins

Un blason portant le symbole royal de la fleur de lis

L’iris et le Saint Empire germanique

Bien qu’il soit originaire de Syrie, l’iris des jardins est souvent considéré comme une fleur allemande, car il fut la fleur emblématique du Saint Empire romain germanique (créé vers 1180). C’est ce qui explique pourquoi le célèbre botaniste Carl von Linné (1707-1778) botanistes l’a nommé Iris x germanicaOn ne cultive plus aujourd’hui que des hybrides qui se déclinent en milliers de cultivars de toutes les couleurs (sauf le rouge vif). 

Certains prétendent que le lys est plus beau, plus rare et plus noble que l’iris. Permettez-moi d’en douter. La fleur de lys est certes  magnifique, mais elle réclame l’attention des hommes pour fleurir dans nos parterres. L’iris « sauvage » est libre et croît où bon lui semble. Cette fleur sent bon la liberté et j’aime ça.

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Iris germanica ‘Midnight Treat’, collection Cayeux. ©www.map-photos.com – N. & P. Mioulane

 

Iris barbus

Dans son Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, livre publié en 1600, Olivier de Serres (1539-1619) décrit : « les fleurs bleues agréables à la vue » et il nomme les iris « glaïeuls ». Charles de L’Écluse (1526-1609), un botaniste français œuvrant en Flandre s’intéressa lui aussi à la plante. Il constata le premier la qualité des plants obtenus par semis et la possibilité par ce mode de reproduction d’obtenir de nouveaux coloris. En 1601, il publia Ramonium plantarum historia , un ouvrage superbe où sont répertoriés vingt-huit iris barbus, qualificatif que l’on attribue aussi aux iris de jardin dont les sépales portent une barbe souvent joliment colorée.

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Le grand iris barbu ‘Nuit de Noces’ et sa belle barbe orange, obtenteur Cayeux 2009. ©www.map-photos.com – N. & P. Mioulane

L’iris qui éloigne la foudre

Aux dix-septième et dix-huitième siècles, l’iris était toujours employé par les médecins. On lui prêta des vertus pour soigner les maladies de peau. Il paraît même que le feuillage appliqué sur une blessure stoppait les hémorragies ! Plus étonnant encore, les jardiniers en plantaient sur le toit des maisons. Leur seule présence suffisant, croyait-on, à tenir à distance les mauvais esprits et à protéger la demeure des risques de la foudre.

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C’est surtout en Normandie que l’on voit encore de nos jours des chaumières avec le faît du toit planté d’iris. ©DR

L’iris modèle préféré des grands peintres

Au tout début du dix-neuvième siècle, l’iris acquit définitivement ses lettres de noblesse. Marie-Guillaume de Bure (mort en 1842), fils d’un éditeur parisien, se passionnait pour l’horticulture et il se spécialisa dans les Iridacées. Par ses travaux, il prouva qu’il était possible de multiplier ces plantes par le simple croisement des différentes espèces. Il ne fut pas à l’époque le seul à proposer à la vente le fruit de ses obtentions. Rapidement, de nouvelles variétés furent plantées dans les jardins publics pour enchanter des amateurs toujours plus nombreux. 

L’iris séduit aussi les artistes qui aiment peindre sur la toile cette fleur qui ne ressemble à aucune autre. En 1889, Vincent Van Gogh (1853-1890), réalisa à Saint-Rémy de Provence, une toile sobrement appelée « Les Iris ». Elle qaurait dû devenir en 1987 la propriété de l’Australien Alan Bond, pour prix coquet de 53,9 M$ (un peu plus de 50 M€), mais il n’a pas pu honorer son enchère et c’est au musée Getty de Los Angeles que la toile peut être admirée aujourd’hui.

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C’est Octave Mirbeau qui, en 1891, fut le premier propriétaire du fameux tableau

 

Camille Pissarro (1830-1903) aimait visiter son ami Claude Monet à Giverny pour contempler les peintures monumentales du maître. Souvent, il repartait chez lui avec de précieux plants d’iris prélevés dans le jardin, qui faisaient la fierté du célèbre peintre impressionniste.

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La bordure d’iris dans le jardin de Claude /Monet à Giverny. ©www.map-photos.com

Paroles d’iris, le messager des bonnes nouvelles

Il est déconseillé d’offrir un bouquet d’iris, car la fleur dure peu de temps et une fois fanée, elle tache durablement le meuble en bois ou en marbre sur lequel elle est tombée. Dans le langage des fleurs, l’iris a conservé sa notion première de messager de bonnes nouvelles. Au Japon, on prête à cette fleur des vertus purificatrices et protectrices. Le 5 mai, la tradition veut que l’on prenne des bains parfumés à l’iris. Offrir un iris blanc signifie : « je vous aime avec confiance », un iris bleu dit : « je vous aime tendrement ». Un iris jaune exprime l’amour heureux, un rouge brun un amour ardent. Quant à l’iris rose pâle, il délivre un message de tendresse que l’on peut transmettre lors de la Fête des mères ou tout simplement à des amis.

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Iris des jardins rose pâle. ©www.map-photos.com – Nathalie Pasquel

 

 

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